En 2013, environ 26.000 entreprises ont été créées par des chômeurs de plus de 50 ans, selon l'Agence pour la création d'entreprises (APCE) qui exploite des données brutes de l'Insee. En comparaison, Pôle emploi recensait fin mars 768 700 demandeurs d'emploi de plus de 50 ans sans activité, un record.
Vingt-et-un ans dans la même entreprise, un changement de propriétaire, le licenciement... Lorsqu'il se retrouve au chômage en 2012, le Breton Alain Bignon décide d'ouvrir sa société de résines et dalles PVC. L'idée lui "trottait dans la tête depuis quelques années". "Les chômeurs seniors ne créent pas par dépit", assure Sandrine Plana, responsable des études à l'APCE, "mais le passage à l'acte est souvent enclenché par une cassure dans leur vie professionnelle, comme le chômage, ils n'auraient pas créé sans cet élément perturbateur".
La cassure, Joëlle Deberly, 57 ans, l'a connue à la fin des années 2000. Un changement de direction, deux ans de bataille juridique et le chômage... "Je ne voulais pas re-subir ça !" lâche-t-elle. Licenciée en 2010, elle crée en juillet 2012 sa boutique de gâteaux personnalisés. "J'avais envie de me remettre à mon compte depuis plus de dix ans", raconte la Toulousaine, qui avait déjà tenté sa chance à 28 ans comme traiteur.
"Quand on est jeune, on est beaucoup plus fonceur, on ne pèse pas forcément tout. Avec la maturité, la réflexion devient différente, on évalue extrêmement les risques", compare cette "entrepreneuse dans l'âme".
Mais Joëlle Deberly est une exception, la plupart des chômeurs seniors créent pour la première fois. C'est un saut "dans l'inconnu", selon Alain Bignon. Un saut "sans filet", renchérit Alain Grandperrin, 53 ans, qui a créé fin 2013 près de Châteauroux sa société de conception et ingénierie, après la faillite de son précédent employeur.

L'âge, un atout

"Etre entrepreneur, c'est un nouveau métier", analyse Hélène Dieumegard, qui épaule les créateurs d'entreprises au sein de la Boutique de gestion (BDG) de l'Indre. "Ils ont toujours été salariés, ils doivent changer de posture, présenter leurs compétences autrement que sur un CV."
Hélène Dieumegard collabore avec le réseau Initiative France, qui expérimente en ce moment le "Programme +45" destiné aux entrepreneurs de plus de 45 ans. Le dispositif s'articule autour de 15 modules de formation, comme "Diagnostic, compétence et aptitude entrepreneuriale", "Bilan, retraite et patrimoine" ou encore "Atelier de créativité".
En plus de son propre prêt d'honneur à taux zéro, Initiative France oriente aussi les chômeurs-créateurs d'entreprises vers diverses aides publiques, comme le prêt Nacre à taux zéro ou un dispositif d'exonérations de cotisations sociales pendant un an (Accre). Au début de leur projet, les chômeurs-créateurs peuvent en outre choisir de continuer à percevoir leurs allocation chômage, sous certaines conditions, ou de se faire verser en deux fois 45% de leur reliquat.
Selon Blandine Bierre, qui pilote le "Programme +45", ce genre d'accompagnement est essentiel pour "guider, encadrer" ces néo-entrepreneurs "plus fragiles", et "maximiser leurs chances de succès". "De manière générale, plus on est éloigné du marché du travail avant la création, plus le taux de pérennité de son entreprise est faible", assure de son côté Sandrine Plana, "mais on ne constate pas plus de défaillances chez les seniors que dans le reste de la population".
L'âge peut même être un atout, estime Sandrine Plana: "Les seniors-créateurs ont l'impression d'avoir atteint une maturité professionnelle, ils se sentent souvent plus performants et plus crédibles face à leurs futurs clients."
"A la cinquantaine, on a une certain expérience et on a encore un peu de chemin à faire", témoigne Alain Grandperrin. "Et lorsqu'on est considéré comme 'moins recrutable', créer son entreprise, ça donne un nouveau souffle..."